Facebook ne censure pas

Novembre 2016

J'ai l'impression que de plus en plus de personnes se plaignent que Facebook censure leurs trucs. Eh bien j'ai une nouvelle : Facebook n'est pas un organisme étatique chargé de censurer; c'est un éditeur à bas coût qui fait un travail bâclé. Ah oui tiens, c'est un éditeur gratos; vous vous attendiez à un service de qualité ???

Facebook est un éditeur

Je ne me soucie pas du status juridique de Facebook; je vais juste discuter de ce qu'ils font réellement :

En ce qui concerne les deux premiers points, il n'y a pas trop à dire. Facebook fait un bon travail : ils créent automatiquement une mise en page avec de belles pubs à gauche et à droite, des boutons pour commenter, leur logo un peu partout. Pour le promotion --qui est la partie de leur métier pour laquelle tout le monde l'aime bien -- ils s'arrangent pour que le texte tombe automatiquement sous les yeux des personnes potentiellement intéressées.

Ligne éditoriale : mauvais

La chose à comprendre est que lorsque vous envoyez un texte sur Facebook, vous êtes dans la situation d'un auteur qui arrive chez Albin Michel avec son manuscrit. Albin Michel, qui est sérieux, le relit et vous faire savoir si ils sont d'accord de publier ou non. Des milliers d'auteurs se font refuser la publication chaque jour, et il n'est pas question de dire que Albin Michel censure ces auteurs.

J'ai proposé mon livre de math aux éditions Ellipses. Ils l'ont refusé à cause de la licence libre. Personne ne va pleurnicher en disant que Ellipse censure la licence FDL.

Comment casser les coûts ?

En ce qui concerne la ligne éditoriale et donc la sélection des texte à publier, Facebook se place sur le segment de marché d'entrée de gamme avec un travail très mal fait, qui change d'avis en permanence et qui fait tout pour baisser les coûts.

Surtout : ne pas relire avant publication

Une des techniques de Facebook pour casser les prix est de ne pas relire avant publication. Il acceptent tous les manuscrits sans relecture, et ne font du tri qu'a posteriori, si il y a un problème. Ça a l'avantage de n'être pas cher et immédiat, mais ça a l'inconvénient de présenter des surprises.

Travail bâclé

D'autre part, Facebook n'investit pas trop dans la relecture, même si un problème est détecté. Déjà détecter les problèmes est un travail laissé en grande partie à des machines, et ensuite si il faut une intervention humaine, celle-ci sera effectuée par du personnel peu qualifié, en un temps record. Bref, du travail bâclé; je me répète : du bas de gamme. Vous êtes attirés par le gratuit ? Ne vous attendez pas à de la qualité.

L'effet punitif

Vous avez publié quelque chose «qui ne va pas» (au sens où un processus bâclé aura jugé que votre prose/illustration n'est pas dans la politique éditoriale) ? Eh bien Facebook va non seulement dépublier l'article fautif, mais va également dépublier tous les autres (i.e. bloquer votre compte). Facebook cherche l'effet punitifs : la prochaine fois, vous ferez plus attention avant de proposer un manuscrit.

Le but de cette opération : compter sur vous pour que le prochain manuscrit proposé soit «correct», et pouvoir le publier sans relecture ... et à bas coût.

Facebook change facilement d'avis

Lorsque les éditions Albin Michel publient un livre qui fait scandale, lorsqu'un producteur lance un film avec une affiche qui énerve des groupes de pressions, que se passe-t-il ? Rien. Albin Michel ne va pas dépublier, l'affiche du film ne va pas être retouchée. Au contraire, ils vont compter le bruit comme de la publicité.

Facebook pas. Chez Facebook, on est très sensible au bruit de l'internet et aux groupes de pression. Si trop de gens se plaignent d'un contenu, ils vont lancer une procédure de «relecture» (bâclée -- je l'ai déjà dit ?) et éventuellement dépublier l'article, voire tous les articles de l'auteur.

Je vais me répéter : cela n'est pas de la censure. C'est un travail éditorial à bas coût, mal fait, désagréable. C'est gratos; vous vous attendiez à de la qualité ?

Et si le fait d'avoir dépublier crée un scandale ? Eh bien il arrive que Facebook décide de publier à nouveau.

On se demande bien qui a envie de travailler avec un éditeur qui a aussi mauvais un service éditorial.

La solution ?

Un éditeur refuse votre manuscrit ? Allez en voir un autre. Aucun ne vous satisfait ? Aller faire de l'auto-édition. Et il se fait que l'auto-édition sur internet, ça existe depuis toujours. Ça s'appelle des RSS. Vous vous achetez votre nom de domaine et vous y mettez votre beau RSS.

Et vous pouvez même truander Facebook en y publiant des extraits les plus plats de vos articles les plus consensuels. Ainsi vous profitez de leur bon service de promotion sans risquer de vous faire dépublier.

Sérieusement, tous les gars qui pleurnichent autour de Facebook qui censure des articles/photos devraient tenter de relancer la mode des RSS. Ou de n'importe quoi du genre. Je suis certain qu'il y a un framaMachin qui fera un excellent travail. En tout cas, tout ce qui va dans le sens de conforter vos lecteurs dans leur (non) décision de ne vous suivre que via Facebook est une mauvaise idée.

Ellipse a refusé mon manuscrit ? J'aurais pu aller voir un autre éditeur. Certains acceptent les licences libres. Mais finalement non, j'ai préféré l'auto-édition, et l'ai mis en vente en trois volumes ici, ici, et ici.

Pourquoi je vous dit ça ? Parce que si vous n'êtes pas content d'un éditeur et que vous n'avez pas envie d'en chercher un autre, faites de l'auto-édition.

Conclusion

Un blog auto-hébergé est ce qu'il y a de mieux pour la liberté d'expression : vous n'êtes limités que par la loi. Facebook est ce qu'il y a de pire : vous êtes limités par un service à bas coût, de mauvaise qualité et qui change régulièrement d'avis.

Entre les deux, il y a des tonnes d'intermédiaires, à vous de choisir celui qui vous convient, et à vous de convaincre vos lecteurs de vous y suivre. Si cela est compliqué, pas de bol : il ne fallait pas d'abord les contraindre à ne vous suivre que sur Facebook en abandonnant les autres canaux.