Faut-il mieux financer l'université ?
Octobre 2017Faut-il mieux financer les universités ?
Réponse courte : non.
Le problème des universitaires
Ces derniers temps, les universitaires passent une bonne partie de leur temps à pleurnicher : les universités ne sont pas assez financées. Par exemples, celui-ci. Rapidement, la raison est que les budgets n’ont pas augmentés, alors que les universités doivent accueillir plus d’étudiants.
Mon problème numéro un
Les universités continuent à gaspiller l’argent qu’elles reçoivent en finançant des revues et plus généralement des éditeurs qui n’apportent rien à la science. En ce qui me concerne, les problèmes financiers des universités ne sont pas ouverts à négociations tant qu’il n’y a pas un désabonnement massif aux revues.
Le prix de la publication scientifique est le prix de la maintenances des serveurs de hal, un point c’est tout. Pour le reste du travail, ce sont les salaires normaux des chercheurs.
«oui, mais tu comprends, je n’ai pas le choix»
La justification que tous les universitaires tournent en boucle à propos du coût des publications est «oui, mais tu comprends, je n’ai pas le choix».
Pourquoi ? Parce que les chercheurs ont besoin de publications dans les «bonnes» revues pour leur avancement de carrière. Bref, pour leur ego; pas pour la science.
«Je n’ai pas le choix» est inacceptable du point de vue du contribuable, parce que justement, l’unique raison pour laquelle les chercheurs reçoivent un (bon) salaire garanti à vie quelle que soit leurs résultats scientifiques est la garantie de l’indépendance scientifique et la possibilité de prendre des risques.
Prendre des risques avec leur nombre de publication chéri est ce qui justifie leur salaire et leur statu de fonctionnaire auprès du contribuable. Il est par conséquent totalement exclu pour un chercheur de justifier le gaspillage au profit des éditeurs par «j’en ai besoin pour mon h-index». Non, tu n’as pas besoin de h-index. Tu est payé, et tu as un statu de fonctionnaire précisément pour ne pas en avoir besoin.
Mon problème numéro deux
Dans le même ordre d’idées il y a la publication de livres scientifiques. Ces livres sont écrits par des universitaires, sur leur temps de travail payé par le contribuable. Ces livres doivent donc être publiquement disponibles a minima sous forme d’un pdf librement téléchargeable quelque part. Ce n’est pas le cas, et de très loin.
Sous les mots-clef «mathématique, agrégation», chez Ellipse, j’ai rapidement compté une moyenne de 0.076 euros par page vendue. Le même exercice chez Dunod me donne 0.09 euros la page. Le Frido ne coûte que 0.031 euros par pages chez Lulu. Autrement dit, les universités payent leurs livres entre le double et le triple du prix réel.
Et encore … quand je dis «le double», je compare au prix du Frido chez Lulu, mais le Frido étant libre (comme devraient être tous les livres écrits par des universitaires), il est peut-être possible de l’avoir pour moins cher chez un autre imprimeur … par exemple l’imprimerie locale de l’université.
Note : je suis vraiment le premier désolé à prendre mon propre livre comme exemple, mais il est à ma connaissance le seul livre de math publié dans des conditions acceptables. Et pour cause : moi j’ai le choix, je ne reçoit pas un salaire d’une université. Ne pas être payé pour écrire un livre rend nettement plus facile le fait de publier gratuitement.
Et même si …
Pour moi, parler du financement des universités n’est donc pas ouvert à négociations tant que les universités n’auront pas mis de l’ordre dans certains gaspillages.
Mais disons que ce soit fait. Il n’est tout de même pas raisonnable de penser que les universités puissent être mieux financées, et ce pour des raisons indépendantes de celles que je viens de donner.
La raison est que tout le monde est mal financé, et que tout le monde est prioritaire. Je m’explique.
D’abord, la France a un déficit de 4%. Personnellement je ne crois pas au mythe comme quoi la croissance va résorber cela par magie : il n’y a plus de croissance et il n’y en aura plus. La fête est terminée.
Donc la base des négociation est une baisse de 4% du financement des universités. (il y en a un qui a le courage de demander d’augmenter les impôts ? non ? ok. Donc la base est 4% de diminution) Cela est une base de négociation. Si on trouve assez de postes de dépenses publiques pour couper 4% du budget de l’état sans tailler les universités, on arrive déjà au très bon résultat de ne pas diminuer leur budget.
Ensuite, il faudrait augmenter les budgets uniquement au prorata de ce qu’on est prêt à baisser ailleurs. Or, comme je le disais, tout le monde est prioritaire. Citons-en quelque uns au hasard qui se plaignent avec une certaine raison de ne pas recevoir assez d’argent :
- la justice
- les agriculteurs
- la santé
- la cantine dans les écoles maternelles
- l’accès aux personnes handicapées
- l’entretient du patrimoine
Et mettons de côté la lutte contre le réchauffement climatique : nous avons un très large consensus dans la société pour ne pas traiter ce problème.
En bref
Pour en arriver à mieux financer les universités, il faut passer pas les étapes suivantes (j’insiste sur l’ordre) :
- Désabonnent à toutes les revues
- on ouvre les négociations à -4%
- on justifie 4% du budget de la France en dépenses inutiles
- on ouvre les négociations pour ne pas baisser le financement de l’université
- on se base sur une hypothétique croissance nulle, et non une décroissance (c’est un pari risqué)
- on trouve encore plein de dépenses inutiles à couper
- on partage le butin avec la justice, la santé, les cantines, etc.